LE SOFER

Sofer ecrivant un sefer torah

LA FONCTION DU SOFER

En hébreu, « Sofer » veut dire compter. Un Sofer est donc un compteur, et plus particulièrement selon le Talmud, un compteur de lettres (Cf. Tb Kidoushin 30a). Autrefois, les Sofrim (Sofer au pluriel), en plus d’occuper la fonction de scribes, étaient les détenteurs de la Massoret (la tradition orale). C’était eux qui préservaient la transmission du texte écrit de la Torah. Ainsi que le nombre exact de ses lettres, le nombre de versets qu’il comporte etc.… En effet, de nombreuses erreurs pouvaient se glisser dans les manuscrits. Et ce d’autant plus que le texte biblique ne comporte quasiment aucune indication et aucun repérage de lecture au sein de son texte écrit. Tel était alors le rôle de ces Sofrim .

Aujourd’hui, la fonction est moins lourde. Cette tradition autrefois orale qui faisait la particularité des Sofrim a maintenant été couchée par écrit. Et ce sont dès lors nos Houmachim (Bibles en hébreu) imprimés qui ont pris le relais. Toutefois, le second rôle est conservé et persiste encore. Les Sofrim sont toujours les scribes juifs qui ont à charge et à responsabilité, l’écriture et la validité des différents textes liturgiques. Textes qui entourent et encadrent la vie juive (Cf. Tb Irouvin 13a).

Aujourd’hui, il existe même des écoles qui font passer un examen théorique et pratique à l’apprenti de sofrout. Ceci afin de s’assurer qu’il soit réellement compétent pour la tâche dans laquelle il compte s’investir. Si l’apprenti est jugé compétent, un diplôme de certification lui est délivré.

ECRITURE

Voici les différents textes qui doivent être écrits de la main du Sofer :

  1. Le Sefer Torah : Rouleau de la Thora dans lequel on lit les jours de lectures publiques. Ces lectures sont organisées à la synagogue tous les lundis et jeudis, le jour du Shabbat, et les jours de fêtes ou de jeûnes.
  2. Les parchemins que l’on insère dans les boîtiers des Tefilines.
  3. Le parchemin de la mezouza  que l’on accroche aux portes de chaque habitation juive.
  4. La Meguilat Esther, le rouleau d’Esther qui est lu tous les ans à la fête de Pourim
sefer torah écrit par un sofer

Enfin, le sofer peut également écrire d’autres textes, mais qui sont d’ordre facultatif. Le plus courant d’entre eux est le contrat de mariage (la ketouba).

REPARATION, CORRECTION ET VERIFICATION

En plus de l’écriture elle-même, un sofer réalise d’autres tâches. Parfois, il est nécessaire de faire appel à ses services afin de corriger ou vérifier ses Tefilines, Mezouzot ou autres. Cela peut être dû à l’usage, au temps qui passe. Ou encore à la suite d’un évènement qui serait arrivé et qui remettrait en cause la validité première de l’objet. Par exemple, si les Tefilines sont tombées, si elles sont rentrées en contact avec de l’eau… Alors que le problème peut se poser au niveau du texte (lettre effacée, craquelée…) ou de l’objet lui-même (abîmé, usé…). Dans ces deux cas, le sofer est la personne à laquelle il convient de se référer.

LES PRINCIPAUX OUTILS DU SOFER

Aujourd’hui, il existe des magasins qui se spécialisent dans le domaine de la sofrout. Il est possible de se procurer toute sorte de matériel ou d’outil. Voici présenté les outils principaux nécessaires et adaptés à la tâche du sofer :

  • La plume :

Autrefois, deux pratiques étaient courantes. Les scribes juifs utilisaient soit une plume d’oie vidée auparavant puis en la taillant de manière très précise en fonction du besoin. Ou bien, ils utilisaient des calames confectionnés à partir de tiges de bambous ou de roseaux. Avec le temps, l’usage s’est restreint à la plume d’oie.

  • L’encre :

Aujourd’hui, les Sofrim achètent de l’encre qui est spécialement fabriquée pour l’usage de la sofrout. En effet, deux propriétés sont nécessaires pour que l’encre soit considérée comme valide. Il faut :

-Qu’elle soit impérativement de couleur noire.

-Qu’elle puisse tenir et reposer des années durant. Car en effet, l’encre repose essentiellement sur le parchemin et s’absorbe beaucoup moins que sur une feuille.

encre utilisé par le sofer
  • La lame :

En cas d’erreur, la seule manière de corriger sur ce type de parchemin est d’ajouter de l’encre ou d’en retirer. En effet, l’encre utilisée est très épaisse. Et il est alors possible de la gratter étant donné qu’elle reste essentiellement en surface. Pour cela, il utilise une lame pointue ou arrondie en fonction des cas. Mais attention, il ne faut pas qu’il abîme ou qu’il troue le parchemin. Déjà par raison esthétique, et de plus, car il lui faut souvent pouvoir réécrire par-dessus.

Tels sont les outils que le sofer utilise de façon permanente. Toutefois, de nombreux autres outils ou matériels lui sont nécessaires. Pour la réalisation de maintes autres tâches auxquelles il a recours. Par exemple pour la vérification d’une paire de Tefilines, la couture des pages d’un Sefer torah etc…

LES PRINCIPALES LOIS DE L’ECRITURE

Il faut savoir que de très nombreuses et complexes lois encadrent l’écriture de ces textes liturgiques. En effet, ce n’est pas tant la réalisation d’une simple copie qui est recherchée. Auquel cas l’essentiel ne résiderait que dans le résultat abouti. Mais c’est quelque chose de beaucoup plus significatif qui est attendu. C’est pourquoi, les procédés de fabrication et de réalisation occupent eux aussi une part essentielle. Depuis le travail de la peau, jusqu’à la dernière lettre écrite. Ils sont hautement signifiants.

Voici donc exposées en quelques lignes les principales lois qui touchent l’écriture :

  • La « kavana » dans l’écriture. L’écriture des Tefilines, Mezouzot et Sefer torah, ne se résume pas à un simple travail manuel. Selon la loi juive, une pensée et une intention doivent obligatoirement habiter et guider le sofer. Tout au long de son activité. Cette intention l’invite à une présence constante et une conscience de ce qu’il est en train de réaliser. Ainsi, avant de commencer à écrire, le sofer doit penser, ou même prononcer verbalement selon certains avis rabbiniques, que l’écriture se fait « au nom de la sainteté des Tefilines, Mezouzot ou Sefer torah » (Kesset Hassofer 4, 1).

  • La kavana dans les « Shemot » (noms divins). Alors qu’une intention généralisée est requise concernant l’écriture, une seconde intention cette fois-ci particulière, est également demandée. A chaque fois que le sofer s’apprête à écrire l’un des « Shemot », un des noms divins. Cette intention doit également être verbalisée selon certains avis.

  • « Hok tokhot ». Chaque lettre doit être formée et réalisée par le biais d’une « ketiva », une écriture. En fait, bien qu’il soit autorisé d’intervenir avec une lame au cours de sa formation (pour gratter un morceau de la lettre, ou la reformer partiellement), la lettre ne peut en aucun cas recevoir sa forme par l’action du grattage. Ainsi, et en cela réside la difficulté, si une lettre est mal écrite et qu’il est possible en la grattant de lui donner sa forme requise, il n’est pas autorisé de le faire comme tel. (Shoulhan Aroukh 32, 17).

  • « Moukaf gevil » : Chaque lettre doit apparaître individuellement et être entourée de parchemin vierge de toutes parts. C’est pourquoi, si deux lettres se touchent entre elles, ou bien si l’une d’elle atteint le bord du parchemin, dans ces deux cas, la ou les lettres sont invalides. Ce qui rend impropre l’utilisation de l’objet de culte dans sa totalité. Du coup, si une correction est possible (c.à.d. autorisée, selon la loi du shelo kessidran par exemple) on corrige. Sinon, on dépose le parchemin à la gueniza [endroit où l’on enterre ou conserve dignement tout objet ou support considérés comme « kedoshim », distingués – sacrés] (Shoulhan Aroukh, 32, 4).

  • « Shé-lo kessidran » : Cette loi ne concerne que les Tefilines et les Mezouzot. Elle consiste à ce que l’ensemble des textes soient écrits suivant l’ordre selon lequel ils apparaissent dans le Pentateuque. Toutefois, selon les décisionnaires, il ne suffit pas de respecter seulement l’ordre des paragraphes. Il faut aussi tenir compte de l’ordre chronologique de l’écriture de chacun des mots et des lettres. De sorte que, si l’on se rend compte après coup d’une erreur déjà passée (une lettre manquante, invalide ou autre…), il ne sera pas toujours possible de la corriger. Et le texte sera rendu inapte (passoul). Telle est en générale la difficulté majeure de ces textes pour le sofer. Cf Mekhilta à la fin de la section de « Bo », Shoulhan Aroukh 32, 1 et 23.

  • Les « Taguim » : En plus des lettres qui composent le texte lui-même, des « taguim », des petites couronnes, sont ajoutées à l’encre sur la partie supérieure de certaines des lettres de l’alphabet, [שעטנז גץ]. Chacune de ces lettres se voit munie de trois petites tiges qui forment alors une espèce de couronne. Avec le temps, la coutume a voulu que l’on appose également des tiges uniques à cinq autres lettres qui sont [בדק חיה] (Tb. Menakhot 29b).

UN TRAVAIL ARTISANAL, UN TRAVAIL INTENTIONNE

Les nombreuses lois et les fortes exigences qui encadrent l’univers de la sofrout sont immuables. Nous avons déjà expliqué que la réalisation des objets décrits plus haut, depuis leur fabrication jusqu’à la dernière lettre écrite, doivent nécessairement être un travail effectué manuellement et habité d’intentions particulières. C’est pourquoi, alors que la transmission de la lettre de la Torah s’est relayée par le biais de l’imprimerie, cette seconde tâche ne peut trouver de remplaçant autre que l’homme.